linkedin twitter

Si vous lisez la presse spécialisée IT, vous entendrez probablement le terme flou de Web3. Autour de la plupart des articles se trouvent toutes sortes d’idées idéalistes et utopiques sur la façon dont nous pouvons reconstruire l’Internet pour refléter “nos aspirations à une société plus humaine et égalitaire” (disent-ils… vous remarquerez que tous ces techos semblent aspirer au prix Nobel de la paix !). 

Le concept de “Web3” n’est pas facile à critiquer, car il a tendance à signifier différentes choses pour différentes personnes (on est typiquement dans la confusion habituelle des premiers temps quand on est confrontés à quelque chose de radicalement nouveau : une voix = une opinion et il y a beaucoup d’opinions sur le sujet…).

Cependant, les journalistes n’entrent jamais tout à fait dans les détails des mécanismes de refonte d’Internet. Parce qu’après tout, ils sont dans le domaine de la narration d’un mythe sur la renaissance promise du cyberespace (le mot à retenir ici est “mythe”…). Ce type de parti-pris est la porte ouverte à un grand n’importe quoi qui ne résiste pas à l’analyse, comme on va pouvoir s’en apercevoir.

Une chronique en deux parties

Comme souvent sur les sujets “valises”, il a fallu plus d’une chronique pour en faire un premier tour. Donc, comme pour le Metaverse, celle-ci est en deux parties. Dans la première partie, on va exposer le texte de Moxie Marlinspike qui est un “pavé dans la marre” qui mérite d’être lu, disséqué, mis en avant et analysé pour démolir les idées reçues hâtivement proposées sur le sujet.

Dans la seconde partie, je vous proposerai quelques pistes de réflexion qui montrent que le sujet mérite tout de même un peu d’attention. 

Moxie à la rescousse !

Donc, sur le Web3, on a droit à un brouhaha d’opinions diverses et variées (et même, trop souvent, délirantes !), mais il est rare d’en rencontrer une avec le genre de profondeur technique que vous pourriez attendre d’un développeur de crypto : quelqu’un qui a réellement joué avec le code et a eu une expérience concrète de la façon dont ces systèmes fonctionnent vraiment.

En janvier 2022, le cryptographe et expert en confidentialité Moxie Marlinspike, qui est surtout connu pour avoir créé le service de messagerie crypté Signal, a publié un essai sur l’état actuel du Web3 et les façons dont la rhétorique utopique autour des crypto-monnaies a tendance à obscurcir les réalités techniques de la blockchain telle qu’elle existe aujourd’hui.

Pour Marlinspike, Web3 est un “Internet décentralisé” s’appuyant sur des blockchains et des crypto-monnaies. Si le Web 2 est l’Internet tel que nous le connaissons aujourd’hui, où des entreprises comme Amazon Web Services, Google et Microsoft fournissent les outils principaux permettant aux utilisateurs de créer leurs propres sites Web (c’est-à-dire des structures de cloud computing et des serveurs louables), alors Web3 devrait être un Internet construit sur des blockchains publiques, sans l’intermédiation d’entreprises centralisées (résumé succinct mais qui permet de poser des bases).

Mais, comme le souligne Marlinspike dans son essai, ce n’est pas ainsi que l’écosystème crypto se développe dans la pratique (contrairement à ce que la propagande tonitruante veut nous faire croire sur tout ce qui touche à la “crypto”…).

Étant donné que la plupart des ordinateurs personnels n’exécutent pas de nœud Bitcoin et ne conservent donc pas une copie complète de la blockchain localement, ils ont besoin d’un autre moyen d’accéder aux données des “grands livres” (les différentes blockchain : Bitcoin, Ethereum, etc.). Cet “autre moyen”, ce sont les interfaces de programmation d’applications (API) : des bibliothèques de code spécialisé qui offrent des raccourcis pratiques pour extraire des données d’une blockchain donnée.

Infura et Alchemy sont les deux principaux fournisseurs de ces API, comme le souligne Marlinspike. Les soi-disant “applications décentralisées” (les fameuses dApps), comme Mirror, OpenSea et Zora, s’appuient sur ces systèmes pour récupérer les données des blockchains publiques (via des appels d’API). Ce sont ni plus ni moins que des intermédiaires.

Fire the middleman!

Une fois de plus, on nous rejoue la chanson du Web qui va supprimer les intermédiaires (cette fois, ce serait le Web3 dans ce rôle fumeux) et cette promesse ne fait que dissimuler un changement d’intermédiaires… Comme à chaque fois.

Cette dépendance aux API d’Infura ou d’Alchemy est générale. Elle se vérifie pour la plupart des sites qui vous demandent de vous connecter avec un bouton “connecter votre portefeuille” par opposition à un nom d’utilisateur et un mot de passe, et pour les portefeuilles en ligne comme MetaMask, qui existent à la fois en tant que sites Web dédiés et extensions complémentaires pour les navigateurs Internet. Ils fonctionnent tous sur le Web 2 auquel nous sommes déjà habitués.

Un texte nécessaire mais ardu à digérer…

À ce stade, je crois qu’il est nécessaire d’intégrer le texte de l’essai de Marlinspike. Mais comme celui-ci est long et technique (voire ardu), j’ai appliqué pas mal d’édition dessus. Clairement, j’ai supprimé des paragraphes (qui me paraissaient redondants), modifié des formulations (afin de “lisser” la traduction) et intégré des commentaires ça et là pour vous aider à “digérer” son essai (et si cela vous dit, vous pouvez toujours lire la version originale qui se trouve à https://moxie.org/2022/01/07/web3-first-impressions.html). 

Pour bien mesurer le niveau de mensonges et d’enfumage que représente le Web3 et comment il est démontré (magistralement) par cet essai, rappelons-nous rapidement les promesses que l’on entend toujours à propos de tout ce qui touche aux blockchains : décentralisées, infalsifiables et inaltérables… Gardez bien cela en tête en lisant le démontage de Moxie Marlinspike.

=== Début de l’essai de Moxie ===

Mes premières impressions sur web3

07 janvier 2022

Bien que je me considère comme un cryptographe, je ne me suis pas trouvé particulièrement attiré par la vague “crypto” actuelle. 

Donc, étant donné toute l’attention récente portée à ce qu’on appelle maintenant le Web3, j’ai décidé d’explorer plus en détail ce qui s’est passé dans cet espace pour voir ce que j’aurais manqué.

Comment je vois les web 1 et 2

Web3 est un terme quelque peu ambigu, ce qui rend difficile l’évaluation rigoureuse de ce que devraient être les ambitions de Web3, mais la thèse générale semble être que le Web1 était décentralisé, que le Web2 centralisait tout sur des plateformes, et que le web3 va tout décentraliser à nouveau. Le Web3 devrait nous donner la richesse du Web2, mais de façon décentralisé. Il est probablement bon d’avoir une certaine clarté sur la raison pour laquelle les plates-formes centralisées ont émergé pour commencer, et dans mon esprit, l’explication est assez simple : 

  1. Les gens ne veulent pas exécuter leurs propres serveurs et ne le feront jamais. Les prémices du Web1 était que tout le monde sur Internet serait à la fois un éditeur et un consommateur de contenu ainsi qu’un éditeur et un consommateur d’infrastructure.
    Nous aurions tous notre propre serveur Web avec notre propre site Web, notre propre serveur de messagerie pour notre propre courrier électronique, etc.
    Cependant (et je ne pense pas qu’on puisse assez insister sur ce point) ce n’est pas ce que les gens veulent. Les gens ne veulent pas gérer leurs propres serveurs.
    Même les nerds ne veulent pas exécuter leurs propres serveurs à ce stade. Même les organisations qui créent des logiciels à plein temps ne veulent pas exécuter leurs propres serveurs à ce stade. S’il y a une chose que j’espère que nous avons apprise sur le monde, c’est que les gens ne veulent pas gérer leurs propres serveurs. Les entreprises qui ont émergé en proposant de le faire pour vous ont réussi, et les entreprises qui ont exploité ces nouvelles fonctionnalités basées sur ce qui est possible avec ces réseaux ont eu encore plus de succès.
  2. Un protocole se déplace beaucoup plus lentement qu’une plate-forme. Après plus de 30 ans, le courrier électronique n’est toujours pas crypté. Pendant ce temps, WhatsApp est passé de non crypté à E2EE complet en un an. Les gens essaient toujours de standardiser le partage d’une vidéo de manière fiable sur IRC. Pendant ce temps, Slack vous permet de créer des emoji de réaction personnalisés en fonction de votre visage.
    Ce n’est pas une question de financement. Si quelque chose est vraiment décentralisé, cela devient très difficile à changer et reste souvent bloqué dans le temps. C’est un problème pour la technologie car le reste de l’écosystème évolue très rapidement et si vous ne suivez pas le rythme, vous échouerez. Il existe des industries parallèles entières axées sur la définition et l’amélioration de méthodologies comme Agile pour essayer de comprendre comment organiser d’énormes groupes de personnes afin qu’elles puissent se déplacer le plus rapidement possible car c’est si critique.
    Lorsque la technologie elle-même est plus propice à la stase que le mouvement, c’est un problème. Une recette sûre de succès a été de prendre un protocole des années 90 qui était figé dans le temps, de le centraliser et de le mettre à jour rapidement.

Mais le Web3 a l’intention d’être différent, alors jetons-y un coup d’œil. Afin d’avoir une idée rapide de l’espace et de mieux comprendre ce que l’avenir nous réserve, j’ai décidé de créer quelques dApps (applications décentralisées dans le jargon du domaine…) et de créer un NFT.

Création d’applications distribuées

Pour avoir une idée du monde Web3, j’ai créé une dApp appelée Autonomous Art qui permet à quiconque de créer un jeton pour un NFT en y apportant une contribution visuelle. Le coût d’une contribution visuelle augmente avec le temps, et les fonds qu’un contributeur verse pour consolider sa contribution (“minter” dans le jargon) sont distribués à tous les artistes précédents (la visualisation de cette structure financière ressemblerait à quelque chose de similaire à une forme de pyramide). Au moment d’écrire ces lignes, plus de 38 000 $ US ont été consacrés à la création de cette œuvre d’art collective (477.792 Ether, soit 1 583 431,35552 $US au moment où je rédige cette chronique…).

J’ai également créé une application appelée First Derivative qui vous permet de créer, découvrir et échanger des dérivés NFT qui suivent un NFT sous-jacent, similaire aux dérivés financiers qui suivent un actif sous-jacent (ouf, pas évident à comprendre, hein !).

Les deux m’ont donné une idée du fonctionnement du Web3. Pour être clair, il n’y a rien de particulièrement “distribué” sur les applications elles-mêmes : ce ne sont que des sites Web réactifs normaux. La “distribution” fait référence à l’endroit où résident l’état et la logique/les autorisations de mise à jour de l’état : sur la blockchain plutôt que dans une base de données “centralisée”.

Une chose qui m’a toujours paru étrange dans le monde des crypto-monnaies est le manque d’attention porté à l’interface client-serveur. Lorsque les gens parlent de blockchain, ils parlent de confiance distribuée, de consensus sans leader et de tous les mécanismes de fonctionnement, mais passent souvent sous silence le fait que les clients ne peuvent finalement pas participer à ces mécanismes. Tous les schémas de réseau concernent des serveurs (et seulement des serveurs), le modèle de confiance est entre les serveurs, tout s’articule autour des serveurs. Les blockchains sont conçues pour être un réseau de pairs, mais pas conçues de telle sorte qu’il soit vraiment possible pour votre appareil mobile ou votre navigateur d’être l’un de ces pairs.

Avec le passage au mobile, nous vivons désormais fermement dans un monde de clients et de serveurs (avec les premiers -les clients- étant complètement incapables d’agir comme les seconds -les serveurs-) et ces questions me semblent plus importantes que jamais. 

Par exemple, qu’elle fonctionne sur mobile ou sur le Web, une application comme Autonomous Art ou First Derivative doit interagir avec la blockchain d’une manière ou d’une autre, afin de modifier ou d’afficher l’état : l’œuvre d’art produite collectivement, l’historique de modification, le dérivés NFT, etc. 

Cependant, ce n’est pas vraiment possible à partir du client, car la blockchain ne peut pas “vivre” sur votre appareil mobile (ou dans votre navigateur de bureau de manière réaliste). La seule alternative est donc d’interagir avec la blockchain via un nœud (nœud au sens blockchain du terme) qui s’exécute à distance sur un serveur quelque part.

Un serveur, une fois de plus ! 

Mais, comme nous le savons, les gens ne veulent pas gérer leurs propres serveurs. Il se trouve que des entreprises ont émergé en vendant un accès API à un nœud Ethereum qu’elles exécutent en tant que service, ainsi que des analyses, des API améliorées qu’elles ont construites au-dessus des API Ethereum par défaut et un accès aux transactions historiques. Cette logique semble… familière. 

Un duopole des API

À ce stade, il existe essentiellement deux sociétés qui font cela. Presque toutes les dApps utilisent Infura ou Alchemy pour interagir avec la blockchain. En fait, même lorsque vous connectez un portefeuille comme MetaMask à une dApp et que la dApp interagit avec la blockchain via votre portefeuille, MetaMask ne fait que passer des appels à Infura !

Ces API clientes n’utilisent rien pour vérifier l’état de la blockchain ou l’authenticité des réponses. Les résultats ne sont même pas signés. Une application comme Autonomous Art dit « hé, quelle est le résultat de cette fonction sur ce contrat intelligent », Alchemy ou Infura répond avec un blob JSON qui dit « voilà le résultat », et l’application l’affiche.

Cela m’a surpris. Tant de travail, d’énergie et de temps ont été consacrés à la création d’un mécanisme de consensus distribué sans confiance, mais pratiquement tous les clients qui souhaitent y accéder le font en faisant simplement confiance aux résultats de ces deux sociétés sans aucune autre vérification. Cela ne semble pas non plus être la meilleure situation de confidentialité. Imaginez si chaque fois que vous interagissiez avec un site Web dans Chrome, votre demande allait d’abord à Google avant d’être acheminée vers la destination et retour. C’est la situation avec Ethereum aujourd’hui. Tout le trafic d’écriture est évidemment déjà public sur la blockchain, mais ces sociétés ont également une visibilité sur presque toutes les demandes de lecture de presque tous les utilisateurs dans presque toutes les dApps.

Les partisans de la blockchain pourraient dire que ce n’est pas grave si ces types de plates-formes centralisées émergent, car l’état lui-même est disponible sur la blockchain, donc si ces plates-formes se comportent mal, les clients peuvent simplement se déplacer ailleurs. Cependant, je dirais qu’il s’agit d’une vision très simpliste de la dynamique qui fait des plateformes ce qu’elles sont. Laissez-moi vous donner un exemple.

Faire un NFT

Je voulais aussi créer un NFT plus traditionnel. La plupart des gens pensent aux images et à l’art numérique lorsqu’ils pensent aux NFT, mais les NFT ne stockent généralement pas ces données en chaîne. Pour la plupart des NFT de la plupart des images, ce serait beaucoup trop cher.

Au lieu de stocker les données en chaîne, les NFT contiennent à la place une URL qui pointe vers les données (nuance importante !). Ce qui m’a surpris à propos des normes, c’est qu’il n’y a pas d’engagement de hachage (https://fr.wikipedia.org/wiki/Mise_en_gage) pour les données situées à l’URL. En regardant de nombreux NFT sur les marchés populaires vendus pour des dizaines, des centaines ou des millions de dollars, cette URL pointe souvent vers un VPS (https://fr.wikipedia.org/wiki/Serveur_d%C3%A9di%C3%A9_virtuel) exécutant Apache quelque part. Toute personne ayant accès à cette machine, toute personne qui achète ce nom de domaine à l’avenir, ou toute personne qui compromet cette machine peut changer l’image, le titre, la description, etc., qu’ils “possèdent” ou non le NFT en question). 

Il n’y a rien dans la spécification NFT qui vous indique quelle image « devrait » être, ou même vous permet de confirmer si ce qui est pointé est l’image « correcte ».

Un NFT qui change selon le point de vue ?

Ainsi, à titre expérimental, j’ai créé un NFT qui change en fonction de la personne qui le regarde, car le serveur Web qui sert l’image peut choisir de servir différentes images en fonction de l’adresse IP ou de l’agent utilisateur du demandeur. Par exemple, il avait un aspect sur OpenSea, un autre sur Rarible, mais lorsque vous l’achetez et le visualisez depuis votre portefeuille crypto, il s’affichera toujours sous la forme d’un grand 💩emoji. Ce sur quoi vous enchérissez n’est donc pas ce que vous obtenez. Il n’y a rien d’inhabituel à propos de ce NFT, c’est la façon dont les spécifications NFT sont construites. Bon nombre des NFT les plus chers pourraient se transformer en 💩emoji à tout moment : je viens de l’expliquer.

Ce NFT sur OpenSea

Le même NFT sur Rarible

Le même NFT mais vue dans un portefeuille

Après quelques jours, sans avertissement ni explication, le NFT que j’ai fait a été retiré de OpenSea (ce n’est pas très claire ce que Moxie Marlinspike veut dire à ce niveau car on constate que son image à https://opensea.io/assets/0x5c61afa47570ab2b562606fa578221305b12c307/1 est toujours visible sur OpenSea… là j’avoue, je n’ai pas compris la démonstration !):

La sanction suggère que je violé une clause de service, mais après avoir lu les termes, je n’en vois aucune qui interdise un NFT qui change en fonction de l’endroit d’où il est regardé, et je le décrivais ouvertement de cette façon.

Ce que j’ai trouvé le plus intéressant, cependant, c’est qu’après qu’OpenSea ait supprimé mon NFT, il n’apparaissait plus dans aucun portefeuille crypto sur mon appareil. C’est le Web3, cependant, comment est-ce possible ?

Un portefeuille crypto comme MetaMask, Rainbow, etc., est « non dépositaire » (les clés sont conservées côté client), mais il a le même problème que mes dApps ci-dessus : un portefeuille doit fonctionner sur un appareil mobile ou dans votre navigateur.

Pendant ce temps, Ethereum et d’autres blockchains ont été conçus avec l’idée qu’il s’agit d’un réseau de pairs, mais pas conçus de telle sorte qu’il soit vraiment possible pour votre appareil mobile ou votre navigateur d’être l’un de ces pairs.

MetaMask n’adresse pas directement la blockchain

Un portefeuille comme MetaMask doit faire des choses de base comme afficher votre solde, vos transactions récentes et vos NFT, ainsi que des choses plus complexes comme construire des transactions, interagir avec des contrats intelligents, etc. 

En bref, MetaMask doit interagir avec la blockchain, mais la blockchain a été construite de telle sorte que des clients comme MetaMask ne puissent pas interagir avec elle. Ainsi, comme mon dApp, MetaMask y parvient en effectuant des appels d’API à trois entreprises qui se sont consolidées dans cet espace.

Par exemple, MetaMask affiche vos transactions récentes en faisant un appel API à Etherscan:

GET https://api.etherscan.io/api?module=account&address=0x0208376c899fdaEbA530570c008C4323803AA9E8&offset=40&order=desc&action=txlist&tag=latest&page=1 HTTP / 2.0                                                          

… affiche votre solde du compte en effectuant un appel API à Infura :

POST https://mainnet.infura.io/v3/d039103314584a379e33c21fbe89b6cb HTTP/2.0

{

    « id »: 2628746552039525,

    « jsonrpc »: « 2.0 »,

    « method »: « eth_getBalance »,

    « params »: [

        « 0x0208376c899fdaEbA530570c008C4323803AA9E8 »,

        « latest »

    ]

}

… affiche vos NFT en effectuant un appel d’API vers OpenSea :

GET https://api.opensea.io/api/v1/assets?owner=0x0208376A853099fdaE100 HTTP/2.0                                                                                               

Encore une fois, comme avec mon dApp, ces réponses ne sont pas authentifiées d’une manière ou d’une autre. Elles ne sont même pas signées pour que vous puissiez prouver plus tard qu’elles mentaient. Tout cela réutilise les mêmes connexions, tickets de session TLS, etc., pour tous les comptes de votre portefeuille, donc même si vous gérez plusieurs comptes dans votre portefeuille pour maintenir une certaine séparation d’identité, ces sociétés savent qu’elles sont liées.

MetaMask ne fait pas grand chose en fait, c’est juste une vue sur les données fournies par ces API centralisées. Et ce n’est même pas un problème spécifique à MetaMask : les autres portefeuilles crypto sont configurés exactement de la même manière. 

OpenSea, l’AWS des NFT !

Tout cela signifie que si votre NFT est supprimé d’OpenSea, il disparaît également de votre portefeuille. Cela n’a pas d’importance fonctionnelle que mon NFT soit quelque part sur la blockchain de manière indélébile, car le portefeuille (et de plus en plus tout le reste de l’écosystème) utilise simplement l’API d’OpenSea pour afficher les NFT. OpenSea a commencé à renvoyer “304 No Content” pour la requête des NFT appartenant à mon adresse !

Recréer ce monde

Compte tenu de l’histoire qui explique pourquoi le Web1 est devenu le Web2, ce qui me semble étrange à propos du Web3, c’est que des technologies comme Ethereum ont été construites avec bon nombre des mêmes attributs implicites que le Web1. Pour rendre ces technologies utilisables, l’environnement se consolide autour de… plateformes. Encore une fois. 

De même, les protocoles Web3 sont lents à évoluer. Les gens sont enthousiasmés par les redevances NFT pour la façon dont elles peuvent bénéficier aux créateurs, mais les redevances ne sont pas spécifiées dans ERC-721, et il est trop tard pour changer cela. Donc, OpenSea a sa propre façon de configurer les redevances qui existent dans l’espace web2. Évoluer rapidement sur des plates-formes centralisées dépasse déjà les protocoles distribués et consolide le contrôle détenu par ces plates-formes.

Compte tenu de cette dynamique, je ne pense pas qu’il soit surprenant que nous soyons déjà à un point où la vue de votre portefeuille crypto sur vos NFT est la vue d’OpenSea sur vos NFT. Je ne pense pas qu’il faille s’étonner qu’OpenSea ne soit pas une vue “pure” qui puisse être remplacée, puisqu’elle a été occupée à faire évoluer sa plate-forme au-delà de ce qui est possible strictement avec l’impossibilité/difficulté de changer les normes.

Ce n’est pas une plainte contre OpenSea ou un acte d’accusation contre ce qu’ils ont construit. Au contraire, ils essaient de construire quelque chose qui fonctionne. Je pense que nous devrions nous attendre à ce que ce type de consolidation autour de quelques plateformes se produise.

C’est le début

« C’est encore le début » est le refrain le plus courant que je vois de la part des gens dans l’espace Web3 lorsqu’ils discutent de sujets comme ceux-ci. 

Cependant, même si ce n’est que le début (et cela pourrait très bien l’être !), je ne suis pas sûr qu’il faille considérer cela comme une consolation. Je pense que le contraire pourrait être vrai; il semble que nous devrions remarquer que, dès le début, ces technologies ont immédiatement tendu vers la centralisation via des plates-formes pour qu’elles soient réalisées, que cela n’a aucun effet négatif sur la vitesse de l’écosystème, et que la plupart des participants n’en sont pas conscients ou ne s’en soucient même pas.

Mais vous ne pouvez pas arrêter une ruée vers l’or

À bien y penser, OpenSea serait en fait bien “meilleur” tout de suite si toutes les parties Web3 avaient disparu. Ce serait plus rapide, moins cher pour tout le monde et plus facile à utiliser. Par exemple, pour accepter une offre sur mon NFT, j’aurais dû payer plus de 80 $ à 150 $+ uniquement en frais de transaction Ethereum (les trop fameux “gas fee”…). Cela met un plancher artificiel sur toutes les offres, car sinon vous perdriez de l’argent en acceptant une offre pour moins que les frais de transaction. Les frais de paiement par carte de crédit, qui semblent généralement exorbitants, semblent bon marché par rapport à cela. OpenSea pourrait même publier un simple journal de transparence si les gens voulaient un enregistrement public des transactions, des offres, etc. pour vérifier leur comptabilité.

Cependant, s’ils avaient construit une plate-forme pour acheter et vendre des images qui n’étaient pas nominalement basées sur la cryptographie, je ne pense pas que cela aurait décollé (OpenSea a d’autres soucis en ce moment…). Pas parce qu’il n’est pas distribué, car comme nous l’avons vu, une grande partie de ce qui est nécessaire pour le faire fonctionner n’est déjà pas distribué. Je ne pense pas que cela aurait décollé car c’est une ruée vers l’or. Les gens ont gagné de l’argent grâce à la spéculation sur la crypto-monnaie, ces personnes sont intéressées à dépenser cette crypto-monnaie de manière à soutenir leur investissement tout en offrant des rendements supplémentaires, et cela définit ainsi le cadre du marché du transfert de richesse.

Les personnes au bout de la ligne qui revendent les NFT ne se soucient pas fondamentalement des modèles de confiance distribuée ou des mécanismes de paiement, mais elles se soucient de l’endroit où se trouve l’argent. 

La créativité n’est peut-être pas suffisante

Si nous voulons changer notre rapport à la technologie, je pense que nous devrions le faire intentionnellement. Mes pensées de base sont grosso modo :

  1. Nous devrions accepter le principe selon lequel les gens n’utiliseront pas leurs propres serveurs en concevant des systèmes qui peuvent distribuer la confiance sans avoir à distribuer l’infrastructure. Cela signifie une architecture qui anticipe et accepte le résultat inévitable de relations client-serveur relativement centralisées, mais qui utilise la cryptographie (plutôt que l’infrastructure) pour distribuer la confiance. L’une des choses surprenantes pour moi à propos du Web3, bien qu’il soit construit sur la “crypto”, est le peu de cryptographie qui semble être impliquée !
  2. Nous devrions essayer de réduire le fardeau de la création de logiciels. À ce stade, les projets logiciels nécessitent un effort humain énorme. Même des applications relativement simples nécessitent qu’un groupe de personnes reste assis devant un ordinateur pendant huit heures par jour, tous les jours, pour toujours. Cela n’a pas toujours été le cas, et il fut un temps où 50 personnes travaillant sur un projet logiciel n’étaient pas considérées comme une “petite équipe”. Tant que le logiciel nécessitera une telle énergie concertée et autant d’attention humaine hautement spécialisée, je pense qu’il aura tendance à servir les intérêts des personnes assises dans cette pièce chaque jour plutôt que ce que nous pouvons considérer comme nos objectifs plus larges. Je pense que changer notre rapport à la technologie nécessitera probablement de rendre le logiciel plus facile à créer, mais dans ma vie, j’ai vu le contraire se produire. Malheureusement, je pense que les systèmes distribués ont tendance à exacerber cette tendance en rendant les choses plus compliquées et plus difficiles, pas moins compliquées et moins difficiles.

=== Fin de l’essai de Moxie ===

Voilà, c’est la fin de l’inclusion éditée de l’essai de Moxie Marlinspike. C’est un peu long et c’est technique (j’ai pas réussi à tout gommer sur ce plan) mais je vous avais prévenu !

Ce qu’on peut en déduire immédiatement, c’est que le discours officiel autour du Web3 est vraiment très éloigné de la réalité concrète que chacun peut expérimenter, à condition d’avoir quelques compétences techniques, cela va sans dire. La vérité oblige à dire que cette propagande ment dans des proportions inhabituelles (c’est pourtant le propre de chaque propagande de mentir !).

Dans le second volet de cette chronique, nous allons nous efforcer d’explorer quelques pistes supplémentaires qui nous permettent de penser que les idées du Web3 peuvent quand même déboucher sur quelque chose d’intéressant mais pas avec les briques mises en avant actuellement…

Commentaire

  1. Eclairage édifiant et effrayant !
    Avec ces informations, j’ai l’impression de découvrir la plus énorme ‘fake-news’ de ma vie IT….
    Allez, je passe au second volet.
    Merci.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Voir plus
scroll to top