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La transformation digitale, ce n’est pas seulement les entreprises qui se mettent à utiliser tous les outils du numérique pour être plus performantes et mieux servir leurs clients, ce sont aussi les nations et leurs gouvernements qui s’en emparent pour exercer un plus grand contrôle sur leurs peuples…

On peut penser que les Chinois vont dominer le marché du numérique dans le futur proche ou que les Américains vont rester dominants, cela n’a pas d’ d’importance. Néanmoins,  si jusqu’à présent nous observions ce qu’il se passait en amérique pour savoir ce qui allait nous arriver dix ou quinze après, aujourd’hui, c’est en chine que se dessine notre avenir probable et à plus court terme.  Une chose est sûre, la Chine est actuellement un terrain d’expérimentation extraordinaire et à suivre de près.

Une surveillance serrée et tous azimuts
L’État chinois utilise tous les moyens actuels du numérique pour traquer, pister et fliquer ses propres citoyens. Ce qui est déjà opérationnel en Chine, c’est un réseau de surveillance à base de caméras à reconnaissance faciale très développé. Ce pays utilise déjà près de 170 millions de caméras de vidéosurveillance et avec des logiciels efficaces puisque, lors d’un concert en avril dernier, un fugitif chinois a été arrêté après qu’une des caméras équipées d’un système de reconnaissance faciale ait alerté les autorités de sa présence, parmi la foule de 60 000 personnes, voir à https://siecledigital.fr/2018/04/13/reconnaissance-faciale-police-chinoise/.

Toutefois, ces systèmes ne sont pas encore parfaits comme on s’en est aperçu dernièrement avec ce raté plutôt risible :

Le système de reconnaissance faciale chinois a réalisé une erreur d’identification au dépens de la plus puissante femme d’affaires chinoise, Dong Mingzhu. La scène a eu lieu dans la province du Zhejiang, au sud de Shanghai, dans la ville de Ningbo. Alors qu’un bus de la ville franchissait un passage piéton, le système de reconnaissance faciale servant à afficher publiquement chaque piéton contrevenant a retransmis sur un écran géant le visage contenu dans l’affiche apposée au bus. Comme vous l’aurez surement compris, le système de surveillance a confondu le visage de la publicité avec un piéton traversant.

https://siecledigital.fr/2018/11/23/le-systeme-de-reconnaissance-faciale-chinois-identifie-par-erreur-la-femme-daffaires-chinoise-la-plus-puissante/

Le gouvernement chinois est quand même en pointe dans ce domaine puisqu’il est aussi en train d’expérimenter un système de reconnaissance de la démarche (voir à https://siecledigital.fr/2018/11/08/la-chine-developpe-une-reconnaissance-de-marche-basee-sur-lintelligence-artificielle/). Et pour que le tableau soit complet, il y a même des caméras acoustiques qui repèrent les conducteurs qui klaxonnent (voir à https://siecledigital.fr/2018/04/23/en-chine-des-cameras-acoustiques-reperent-les-conducteurs-qui-klaxonnent/).

Cette surveillance tous azimuts ne se limite pas au gouvernement chinois puisque Tencent a annoncé (en octobre dernier) que le jeu “Honor of Kings” allait se servir de la reconnaissance faciale pour vérifier l’âge des utilisateurs, afin de leur limiter le temps de jeu.

Un permis à points du citoyen
Avec ce qui se passe en Chine, il est clair que l’on va progressivement, mais sûrement vers une sorte de permis à points du citoyen qui permet de trier les bons éléments des mauvais. Les mauvais sont sanctionnés en leur restreignant, par exemple, l’accès aux transports en commun. Officiellement, ce système de surveillance des citoyens chinois et la constitution de dossiers sur chacun d’entre eux se concrétisent par la mise en place d’un “système de crédit social”, lancé par le bureau général du comité central du Parti communiste chinois (PCC) et celui du Conseil des affaires d’État. Ces organes officiels ambitionnent de donner, d’ici 2020, une note et des points à chaque citoyen chinois, en fonction de son comportement public, de sa situation financière et sociale, de ses activités professionnelles, en bref, de tout ce qui peut être surveillé, évalué et noté.

Ainsi, dans un document publié ce lundi par le gouvernement municipal de Pékin, les intentions sont clairement déclarées. « Nous allons améliorer le système de liste noire de crédit, divulguer publiquement les archives des entreprises et des personnes indignes de confiance », selon ce communiqué. Les autorités chinoises, pourront faire appel aux multiples images de caméras de reconnaissances faciales qui centralisent des millions de données, concernant les comportements de chaque citoyen. Fini de traverser au feu rouge. Terminé de ne pas ramasser les excréments de son chien. Fini les retards de paiement de votre dernière facture. Que de progrès…

https://siecledigital.fr/2018/11/25/les-citoyens-chinois-auront-tous-leurs-notes-sociales-dici-deux-ans/

Pas encore en Europe ni aux USA
Tout cela n’est pas de la science-fiction, la méthode est opérationnel aujourd’hui. Mais ce qui est déjà en place en Chine ne va pas se généraliser dès demain en Europe (sachez que près de six millions de caméras de surveillance sont installées sur l’ensemble du territoire britannique…). Nous n’allons sans doute pas mettre des systèmes identiques en place immédiatement, pourtant les expérimentations chinoises sont regardées de près par l’ensemble des gouvernements de la planète. Cette tendance qui se dessine est bien connue puisqu’elle est diffusée, comme pour mieux s’y préparer, à travers la série Black Mirror disponible sur Netflix (voir à https://fr.wikipedia.org/wiki/Black_Mirror_(s%C3%A9rie_t%C3%A9l%C3%A9vis%C3%A9e)).

En intégrant des technologies quasiment autonomes à de nombreuses sphères de la société, la Chine facilite ce genre d’initiatives (elles les inspirent et les encouragent). Et dans ce domaine on constate que même une démocratie comme la France commence à leur emboîter le pas avec l’annonce récente du fisc qui va examiner les réseaux sociaux pour mieux vérifier si on lui ment ou pas (voir à http://www.lefigaro.fr/impots/2018/11/11/05003-20181111ARTFIG00154-fraude-le-fisc-surveillera-les-reseaux-sociaux.php).

Ou encore, cet autre exemple (toujours en France), tout récent :

Toujours dans une optique d’optimisation du temps des agents chargés du contrôle, les commentaires et avis présents sur les plateformes et réseaux sociaux seront moulinés par une IA basée sur l’analyse sémantique afin de détecter les restaurants présentant des risques sanitaires. L’IA reconnaîtra les avis négatifs et établira des probabilités de risques sanitaires potentiels. Elle permettra aux agents de « prioriser les contrôles »pour « perdre moins de temps » à détecter les établissements à risque.

https://www.latribune.fr/technos-medias/innovation-et-start-up/securite-sante-robot-vocal-surveillance-comment-l-etat-va-utiliser-l-intelligence-artificielle-798353.html#xtor=EPR-2-[technos-medias]-20181122

Du côté des entreprises
Tout cela est fascinant, mais en quoi notre secteur professionnel peut-il se sentir concerné ?

Eh bien parce que tôt ou tard, ces moyens d’espionnage des particuliers seront également utilisés sur les entreprises. L’approche se fera autrement qu’à travers des caméras de surveillance (encore qu’il y en a déjà dans les open-spaces !), mais avec des instruments plus subtils qui seront largement automatisés.

C’est ainsi que nous verrons apparaître des bases de données qui contiendront les taux de satisfaction exprimés par les clients (de différentes façons et sur différentes sources comme les réseaux sociaux et les sites d’ecommerce), mais aussi selon tous les points de contrôle que l’on peut obtenir simplement en suivant les traces numériques laissées et produites par ces entreprises. Car, tout comme les individus, les entreprises laissent beaucoup de traces numériques de leurs activités, choix, prises de position et relations. Et quand on sait regarder, ces traces sont très visibles. Le sillage numérique des entreprises va devenir le nouveau moyen de surveillance des organisations.

Facebook, première victime du “nouvel apartheid”
On voit bien que la crise que traverse actuellement Facebook (tout au long de cette année 2018) montre la fragilité des positions acquises sur l’image et l’audience… une position de leader peut disparaitre très vite. Et à l’avenir, les entreprises devront s’efforcer de ne pas être associées à une organisation contestée (les scandales de fuites de données à répétition ont transformé Facebook en une organisation “pestiférée”) tout comme le monde des affaires fuyait les relations avec l’Afrique du Sud au temps de l’apartheid (dans les années soixante-dix et quatre-vingt). Le profil public des entreprises va être sous le microscope avec une pression croissante dans les années à venir, la puissance de la nouvelle surveillance numérique sera à l’œuvre et il faudra être très prudent pour éviter le moindre scandale.

Le numériquement correct après le politiquement correct ?
Le futur qui se dessine sous nos yeux façon “Black Mirror” va impacter tout le monde : les individus qui seront sous une surveillance permanente, mais aussi les organisations qui devront être irréprochables dans leur “comportement digital”. C’est qu’on exige de plus en plus de choses des entreprises de toutes les tailles et de tous les secteurs. Bientôt, il ne suffira plus de faire des profits, de bien traiter ses employés et d’être écologiquement responsable (déjà, avec cette énumération, on sent bien que peu atteignent le niveau requis), il faudra aussi être systématiquement “numériquement correct” dans tous ses choix et toutes ses expressions… Car des ONG spécialisées vont s’occuper de surveiller cet aspect et on verra vite un Greenpeace de l’ère digitale, émerger et avoir du succès.

Un but qui va s’avérer difficile à atteindre, au moins dans un premier temps; l’exemple d’un Facebook déchu va rester longtemps dans les mémoires.

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