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Les GAFAM et les BATX, qu’est-ce que c’est d’abord ?
Voilà des acronymes auxquels il fallut s’habituer rapidement : les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) d’abord et les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xaomi) ensuite… On ne pouvait les ignorer, car il s’agissait ainsi de désigner les entreprises les plus grosses et, surtout, les plus influentes du monde de la technologie.

Puissant ou influent ?
Les leaders les plus influents du monde de la tech… Qu’est-ce que ça veut dire en fait ?
C’est que, pour être vu à juste titre comme un leader technologique, le chiffre d’affaires ne suffit pas. Vous pouvez avoir une organisation puissante, riche et avec plein d’employés et être à la remorque des autres pour ce qui est de l’influence technologique.

Un exemple simple et qui parle à tout le monde : Apple et l’iPhone. Quand le constructeur à la pomme a révélé sa création en 2007, tout le monde a compris que tous les smartphones allaient s’aligner sur un élément clé : dalle/écran tactile qui couvre toute la surface. Fini le débat sur les claviers matériels ou virtuels, l’iPhone ringardisait tout ce qui se faisait avant et donnait le ton, définitivement.

L’iPhone d’Apple ne commença à vraiment bien se vendre qu’à partir de sa troisième génération, mais dès la première, il avait capté l’attention de tous. C’est ainsi que ça marche : le “mind share” (qu’on va traduire par “la part d’esprit”) précède toujours et conditionne le “market share” (la part de marché). Pour avoir le second, vous devez obtenir le premier. Si vous perdez le “mind share” alors, inexorablement, vous perdrez aussi le “market share”. Cela peut prendre du temps (inertie naturelle des marchés), mais cela arrive, forcément.

Quintet américain et quatuor chinois
Si le quintet des leaders américains (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) nous est bien connu, le quatuor chinois (Baidu, Alibaba, Tencent et Xaomi) nous est déjà moins familier. Ces deux groupes se sont fermement ancrés dans notre présent, mais quid de l’avenir à court et moyen terme (je ne prétends pas faire des prévisions à long terme !) ?

Avant de nous lancer dans une analyse prospective, voyons déjà comment ces groupes de leaders technologiques ont évolué lors de ces dernières décennies (un petit rappel historique comme je les aime !)…

Du Bunch à Wintel, un bref rappel historique
Tout a commencé dans les années soixante où le groupe leader avait comme nom “the bunch”, car il s’agissait d’un acronyme regroupant Burroughs, Univac, NCR, Control Data et Honeywell… Ne manquait qu’IBM dans le lot. Car Big Blue dominait le secteur de la tête et des épaules à tel point que les concurrents en étaient réduits à ce surnom qui désignait les sept nains (il suffisait d’ajouter General Electric et RCA pour en avoir sept…). Soyons clairs, le Bunch n’avait quasiment aucune influence sur le plan technique qui était tout entier capté par IBM. Tout change dans les années soixante-dix où Digital Equipement (DEC) remplace tout le Bunch a lui tout seul (ces sociétés subsistent pour la plupart, mais sombrent dans l’oubli) et se positionne en challenger technique du N°1 mondial.

C’est avec l’avènement de la micro-informatique que se forment des groupes influents qui déterminent l’évolution technique : wintel (Windows plus Intel) est l’exemple type de ces nouveaux groupes qui donnent le ton de l’époque. Le problème, c’est que ça ne dure pas. Les leaders d’un jour tendent à devenir les morts-vivants du lendemain dans un secteur qui évolue aussi vite. WordPerfect, Lotus ou Novell dominaient chacun leur domaine avant de chuter pour différente raison : un rachat malheureux (Lotus, absorbé par IBM ou même DEC racheté par Compaq, lui-même avalé par HP…), un tournant raté (WordPerfect qui trébucha sur le passage à Windows) ou une spécialité qui se banalise (Novell, roi du réseau local), entre autres.

Morts-vivants : ces déchus qui s’ignorent
De nos jours, les morts-vivants s’appellent Oracle, IBM ou Intel. Le cas IBM a déjà été traité dans une précédente chronique (voir “IBM, déclin et chute”), voyons les cas d’Oracle et d’Intel.

Au début des années 2000, Oracle était au sommet : il était devenu un poids lourd de l’informatique d’entreprise en anéantissant ses anciens concurrents du domaine des bases de données relationnelles. Les résultats étaient bons, les perspectives encore meilleures, son flamboyant fondateur (Larry Ellison) peut se consacrer à ramener la fameuse Coupe de l’America aux USA (ce qu’il parvint finalement à faire en 2010 et 2013, une belle performance !) tout en devenant l’un des hommes les plus riches du monde. Mais rien ne reste statique dans ce monde de l’informatique. Alors qu’Oracle se consacrait à l’intégration de Sun (racheté en 2009), le contexte technique changeait progressivement avec la montée du cloud (voir notre série de chroniques à ce sujet). Le rachat de Sun était justifié quand on raisonnait selon ce qui s’était passé lors des décennies quatre-vingt-dix et deux mille, mais plus vraiment à l’heure de l’informatique dématérialisée et hyperconnectée.

On peut dire qu’Oracle a loupé le coche en ne rachetant pas Salesforce quand c’était encore possible. Aujourd’hui, Oracle pèse toujours lourd en termes de chiffre d’affaires et de présence dans l’informatique d’entreprise (tout comme IBM en fait), mais plus vraiment quand on raisonne en perspective d’avenir. Le “mind share” lui a échappé et c’est mortel (d’où l’arrivée dans le groupe des “morts-vivants”).

Ce qui est arrivé à Intel est assez semblable : encore au sommet il y a peu (le passage des Mac d’Apple aux processeurs Intel -en 2006- a marqué son apogée), dépassé et oublié par la nouvelle vague désormais. Avec la montée inexorable de l’informatique mobile, les puissants processeurs Intel comptent bien moins qu’avant. C’est l’avènement du smartphone qui a permis à ARM et à d’autres (Qualcomm ou Samsung) de prendre du galon au détriment de l’ancien leader. Intel a laissé passer cette vague et il se retrouve dans la même situation qu’Oracle : encore puissant, mais déjà oublié.

N’oublions pas la règle d’or dans ce secteur : le “mind share” précède et détermine le “market share”. Une fois que vous avez perdu le premier, le second s’érode, inexorablement.

Un exemple marquant avec RIM (le fabricant canadien des BlackBerry) qui connut sa meilleure année en 2009 (soit deux ans après la sortie de l’iPhone). Quand le déclin devient enfin visible, il est bien trop tard, vous êtes déjà un mort-vivant !

Ces graphiques sont très parlants : en 1993, les entreprises qui avaient la plus grande capitalisation étaient IBM, Intel et HP. En 2018, on ne retrouve que 4 noms présents à la fois sur les deux graphiques : ce sont IBM, Intel, Oracle et Apple, mais l’ordre dans lequel on les trouve a bien changé !


Le problème principal des morts-vivants, c’est qu’ils ne savent pas qu’ils sont morts. Ils raisonnent toujours comme au temps de leur splendeur, s’imaginant que le monde tourne encore autour d’eux et de leurs décisions. Mais le monde a bougé et les a laissés sur place. Car qui aurait dit, il y a seulement dix ans, que l’on considérerait Facebook ou Amazon comme des vrais leaders technologiques ?

Les BATX ou connaissez-vous les acteurs chinois ?
L’irruption des poids lourds chinois sur le devant de la scène nous a obligés à nous mettre rapidement à la page extrême-orientale. Avouez-le, vous aviez vaguement entendu parler de Alibaba, mais Baidu, Tencend ou même Xiaomi vous étaient encore quasiment inconnus il y a peu. Rassurez-vous, à moi aussi !

Certes, les BATX sont impressionnants avec leur marée de smartphones à prix cassé (Xiaomi), leurs jeux vidéos à la mode (Tencent) et leurs applications de paiement mobiles (Alipay d’Alibaba et WeChat de Tencent). Sans oublier leur croissance météorique et leur valorisation stratosphérique (merci les spéculateurs chinois !). Pour mieux les situer, voici un petit tableau d’équivalence, pas forcément très précis, mais utile :

Google et Baidu Moteurs de recherche
Amazon et Alibaba Ecommerce
Facebook et Tencent Réseaux sociaux
Apple et Xiaomi Informatique mobile

Bien sûr, on n’oubliera pas que Baidu et Tencent sont également très impliqués dans le cloud… Tencent est aussi (c’est moins connu) le leader mondial des jeux vidéos.

Les utilisateurs chinois seraient déjà plus de 800 millions et, sur cette masse, seulement 1,7% utilisent un PC pour accéder à Internet !

C’est que 77% du temps passé sur mobile par les Chinois est sur une application de Tencent, Alibaba et Baidu dont 35% rien que sur WeChat de Tencent. Cela montre combien l’utilisation du smartphone est devenue naturelle pour eux.

Ceci dit, l’acronyme BATX pourrait être contestable dans la mesure où Huawei (un autre de ces nouveaux dragons) s’est petit à petit hissé à la seconde place des fabricants de smartphones, qui ne représente qu’une petite part des activités du géant des télécoms chinois (rachat de 3Com en 2007). Avec presque 100 MM$ de CA et plus de 180.000 employés, Huawei (fondé en 1987) est dix fois plus gros que Xiaomi (fondé en 2010). Oubliez l’acronyme BATX et remplacez-le par BATH (Baidu-Alibaba-Tecent-Huawei).

Et ils a bien d’autres “nouveaux dragons” encore peu connus qui veulent conquérir les sommets toujours plus vite avec des croissances fulgurantes. LeEco est l’un d’eux… peut-être sera-t-il le prochain sur notre liste ?

Alors, ça y est, les Chinois déferlent et vont conquérir le monde ?
Pas si vite. Tout d’abord, rappelez-vous qu’on disait la même chose des Japonais au début des années quatre-vingt-dix lorsque l’économie japonaise semblait irrésistible. Et on sait ce qu’il advint : le Japon est entré en crise puis en récession. Un recul qui dura près de vingt ans… Il pourrait arriver pareil à la chine. De plus, les BATX/H présentent tout de même quelques lacunes gênantes pour dominer le monde de la technologie : certains comme Xiaomi sont peu diversifiés et tous sont faibles en matière d’innovation.

Prenons l’exemple des smartphones : les fabricants chinois y sont compétitifs parce que l’innovation est en train de fortement ralentir dans ce domaine. Du coup, la capacité à produire en masse à coût réduit prend toute sa valeur. C’est pour cela que Xiaomi et Huawei sont capables de concurrencer Apple avec tant d’efficacité. Mais lors de la prochaine nouveauté (quelle qu’elle soit), ils risquent d’avoir du mal à suivre, au moins dans un premier temps.

La suite à « Retour sur les GAFAM, au cas par cas« .

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