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Avec la montée des smartphones, on ne donnait pas cher de la peau des PC. La fin de l’ère du micro-ordinateur comme poste de travail dominant semblait inéluctable. Et puis, les choses se sont tassées et on se rend compte que, finalement, le PC va rester avec nous encore pour un (bon) bout de chemin… Faisons le point sur l’évolution du poste de travail et de ses perspectives pour les prochaines années.

Windows reste dominant, largement
Voyons d’abord les parts de marché des différents OS. En dépit de quelques ratés (Vista en particulier, au milieu des années 2000), Windows reste envers et contre tout ultra dominant sur le poste de travail. On peut être surpris et le déplorer, mais c’est ainsi. Il y a dix/quinze ans, on pouvait croire que Mac OS (d’Apple) et Linux allaient progresser et devenir significatifs, mais force est de reconnaître qu’il n’en a rien été, pour diverses raisons.

Si on regarde le marché des OS, il se trouve qu’il y a de la place pour deux systèmes, pas plus, le reste récolte de maigres miettes. Windows et Mac OS se partagent le PC client (avec une écrasante majorité pour Windows), Linux et Windows sur le PC serveur (cette fois, c’est Linux qui est majoritaire), Android et iOS sur smartphones (là, c’est plus équilibré), point.

Il en est de même pour Chrome OS. Là aussi, on pouvait former de grands espoirs et penser (fort justement) que le Chromebook représentait le poste de travail le plus rationnel à l’époque où le cloud devient omniprésent. Mais les chiffres sont têtus et ils nous disent que Chrome OS est certes en progression, mais que cette progression est trop faible pour entamer la position de Windows d’une manière qui ne soit pas anecdotique.

La solution idéale pour le plus grand nombre, mais le plus grand nombre n’en veut pas !
Pourtant, je pense tout de même que les Chromebooks représentent la solution idéale (car la plus rationnelle) pour les organisations. Simple, facile à installer et à configurer, incorruptible, démarrant vite et fonctionnant sans poser de problème, le Chromebook est l’incarnation réussie du Network computer imaginé à la fin des années 90 (il y a même une offre spéciale entreprise à https://cloud.google.com/chrome-enterprise/chromebooks/). Pourtant, les utilisateurs n’en veulent pas et les organisations peinent à les imposer en dépit des avantages incontestables qu’il représente, pourquoi ?

Eh bien à cause du classique syndrome du “et si je veux faire ceci ou cela un jour ?” qui élimine le Chromebook avec son potentiel fonctionnel limité (mais suffisant dans 99% des cas). En effet, si votre utilisateur doit faire du montage vidéo (ou une autre tâche bien spécifique et très exigeante pour laquelle l’offre de logiciels est réduite), il sera plus à l’aise avec un Macintosh qu’avec un Chromebook, mais, en vérité, combien doivent faire cela ?

Allez, on le sait bien : une infime minorité. C’est la même chose avec les véhicules électriques qui sont mis de côté à cause de leur autonomie limitée alors que l’immense majorité des utilisateurs ne fait pas plus de 80 km par jour…

https://youtu.be/0QRO3gKj3qw

Une présentation de ChromeOS qui date de novembre 2009…

Office a bien négocié le virage du Cloud avec 365
Donc, à cause de ses considérations irrationnelles, mais bien réelles, Windows reste le choix N°1 des utilisateurs (que ce soit en entreprise ou au niveau individuel). Et si on regarde du côté des principales applications, c’est le même constat : MS Office (sous ces différentes formes) reste largement au-dessus des autres solutions. Gdocs (de Google) a pris un bon départ, mais dès qu’Office 365 a été disponible, la tendance s’est rééquilibrée en faveur de l’offre de Microsoft.

Réticents aux changements
Comment expliquer que les changements sur le marché du poste de travail soient, au final, si minces et si lents ?

En admettant une bonne fois pour toutes que nous sommes réticents aux changements, surtout aux changements rapides et profonds. Et ce n’est pas seulement une caractéristique des individus, cette réticence au changement est encore plus forte quand on considère les organisations. Les faits le prouvent. Prenons un premier exemple avec l’interface graphique. Celle-ci a mis beaucoup de temps à s’imposer et à se généraliser sur les PC (durant les années 90) alors qu’elle était déjà une évidence au début des années 80. Souvenons-nous que lorsqu’elle a été popularisée par le Macintosh (au milieu des années 80), elle avait déjà été défrichée par les projets du PARC de Xerox (durant les années 70) et, avant cela, par les expérimentations du SRI de Stanford (c’est au Stanford Research Institute que Douglas Engelbart inventa l’environnement graphique et la souris, en 1968). Soit presque trente ans pour qu’une évolution qu’on considère aujourd’hui comme normale, naturelle et évidente trouve enfin sa réalisation pleine et complète.

Un autre exemple ? Pas de problème !

Prenons le smartphone que nous avons tous en main aujourd’hui. Pour beaucoup, il vient du coup de génie de Steve Jobs avec l’iPhone (2008). Mais il suffit de connaître un peu l’histoire pour savoir que le concept et les premiers prototypes viennent de General Magic (fondée en mai 90, voir à ce propos ce documentaire récent sur cette épopée à https://www.generalmagicthemovie.com/#about). Presque vingt ans pour passer de l’idée encore vague à la première réussite éclatante qui mit encore quelques années pour s’imposer définitivement et se généraliser. Oui, nous sommes lents à changer nos habitudes et la douce évolution du poste de travail reflète bien cette faiblesse qui nous est inhérente. Si on ajoute à cela l’inertie des organisations qui en ajoutent une bonne couche, ça explique pourquoi la vidéoconférence (puisqu’on est encore tous dépendants de la “réunionite”) et le travail à domicile (home office) sont encore si peu exploités de nos jours alors que la validité technique de ces pratiques est plus qu’établie.

Une évolution précipitée par le Cloud
Même si on sait que les évolutions sont lentes, elles arrivent tout de même !

Et, en ce moment, nous sommes en train d’en vivre une grosse : la généralisation du Cloud. Bien évidemment, cette généralisation va influer aussi sur le poste de travail. Il ne s’agit pas de dire que cette évolution va déboucher sur une part de marché accrue des Chromebooks, car ce serait passer à côté de la vraie transformation qui est en train de s’opérer. En fait, avec la montée de la virtualisation opérée par le Cloud, l’OS de nos machines est en train de moins en moins compter. J’avais déjà pointé cette direction il y a plus d’un an dans la chronique sur la “Nullification du PC” (retrouvez cette chronique à https://www.redsen.com/fr/inspired/tendances-decryptees/vers-la-nullification-du-pc). Depuis, les services de jeux vidéo en ligne (Cloud Gaming) commencent à apparaître (Stadia de Google fait ses premiers pas cette semaine) et nous allons voir cette “nullification” faire son chemin, progressivement, d’abord dans le domaine des jeux vidéo, mais ensuite, forcément, dans le domaine professionnel.

Et du côté des usages ?
En revanche, si on regarde du côté des usages, on peut constater quelques petites évolutions. Tout d’abord, comme on vient de le rappeler une fois de plus, le recours au Cloud s’est généralisé. Le poste de travail est désormais connecté, c’est une évidence. Une autre évolution s’impose : le PC reste central, mais il est entouré de terminaux avec lequel il échange et partage les ressources et les tâches.

Un exemple parmi cent : si je mets en place un nouveau rappel ou un rendez-vous via l’assistant Google Home (emblématique de la nouvelle génération d’enceintes connectées avec Amazon Alexa), je peux voir qu’il est aussitôt visible sur mon application Google Agenda que ce soit sur mon Mac, ma tablette Surface ou mon smartphone Android. De plus, le PC devient de plus en plus hybride et protéiforme. Le Chromebook peut aussi faire tourner des applications conçues pour Android (et le fait que l’écran soit sensible est bien pratique dans ce cas) et même pour Linux ! 

Emblématique de cette évolution, la Surface peut fonctionner aussi bien comme une tablette que comme un PC portable classique (son clavier amovible est particulièrement bien pensé et confortable). On peut donc dire que le poste de travail, autrefois monolithique, s’est fractionné en plusieurs entités : le PC (qui reste central), le smartphone (qui reste omniprésent) et plusieurs autres de taille et de nature diverses.

Nous avons donc pu constater une évolution sur deux plans lors de ces vingt dernières années. Tout d’abord, alors que les PC “de table” étaient encore majoritaires et les “portables” réservés à ceux qui se déplaçaient sur le terrain, cette distinction s’est réduite. Aujourd’hui, les portables sont devenus largement majoritaires et les “desktop” sont désormais réservés aux développeurs, aux traders (avec plein d’écrans devant eux !) et à ceux qui font du montage vidéo, sans oublier les gamers, bien sûr (je schématise, mais vous voyez l’idée) !

Sur un autre plan, nous sommes passés à être quelques-uns à synchroniser nos Palm Pilot avec notre PC (avec une liaison par câble !) à une généralisation de l’usage des smartphones qui se synchronisent naturellement et de façon transparente avec notre PC, quel qu’il soit. Le “compagnon” qui était autrefois marginal est devenu indispensable et omniprésent. 

Et les “autres entités” que tu évoquais plus haut, tu peux être plus précis ?

Eh bien, nous sommes de plus en plus entourés d’assistants numériques et de capteurs qui nous secondent dans différentes situations. J’ai déjà mentionné l’usage des enceintes connectées, parlons maintenant des montres (connectées elles aussi, forcément). Après avoir défendu l’idée que le facteur de forme était incontournable en matière d’ergonomie, je ne vais pas tenter de vous convaincre que l’écran super-réduit des montres connectées peut-être utilisé pour des manipulations, certainement pas. En revanche, ce petit écran est très utile quand il s’agit de vérifier, rapidement, si la notification qui vient de vibrer à votre poignet vaut le coup ou non de sortir votre smartphone de votre poche afin de prendre connaissance du message complet et d’éventuellement y répondre.

Un autre domaine où ces bracelets sont utiles, c’est pour le tracking. Aujourd’hui, ces bracelets et montres sont essentiellement utilisés pour le tracking sportif : le nombre de pas fait, le nombre de kilomètres en vélo et ainsi de suite. Et c’est justifié : il existe beaucoup d’applications sur smartphone qui font cela aussi, mais, l’expérience le prouve, vous oubliez de les lancer (ça m’arrivait tout le temps) ou vous ne voulez pas vous encombrer avec votre smartphone ou une autre raison qui renforce l’aspect pratique d’un objet qui est presque toujours autour de votre poignet. Mais le tracking professionnel ne va pas tarder à s’immiscer dans nos vies. Localiser où vous vous trouvez à un moment donné, prouver que vous faites bien la tournée prévue et ainsi de suite, les raisons de vous tracker ne vont pas manquer. Certes, ce n’est pas forcément l’avenir qu’on voudrait, mais à partir du moment où c’est possible et justifié, vous pouvez me croire, ça va se faire.

Multisensoriel et multiexpérience
Pour tracer l’évolution future profonde et physique du poste de travail, il suffit de regarder ce qu’on a déjà autour de nous et de comprendre que ce qui est encore du domaine de l’expérimentation (fringe use cases) va progressivement se développer puis se généraliser. Il faut bien sûr garder en tête que ces évolutions prendront du temps, plus de temps que nous le pensons de prime abord…

Au niveau de l’interface utilisateur, ça va encore bouger puisque nos interactions étaient, jusque-là, limitées à l’ensemble clavier/souris (ou clavier/trackpad). Désormais les écrans de nos PC deviennent des surfaces sensibles où nous pouvons agir avec le doigt, voire avec un stylet. C’est déjà le cas des Chromebooks et des tablettes hybrides, gageons que cela va se généraliser (progressivement) à tous les PC portables et non-portables. La voix commence à faire son apparition dans les nouveaux périphériques et d’ailleurs, il n’y a qu’avec eux qu’elle rencontre un certain succès, pour le moment… on peut d’ailleurs penser que cela va rester confiné au domicile, car la voix est intrusive sur le lieu de travail, surtout à l’heure où on préfère l’open space au lieu du bureau individuel. Ceci dit, certaines initiatives semblent montrer que la voix pourrait se faire une place également dans les bureaux. Salesforce vient de présenter “Einstein Voice”, un assistant numérique vocal qui répond aux questions liées à votre activité professionnelle (genre “Hey, Einstein, où on est de notre quota ?”, voir à https://techcrunch.com/2019/11/19/salesforce-wants-to-bring-voice-to-the-workplace/).

On peut donc imaginer sans mal qu’elle (la voix) se rendra aussi utile sur nos postes de travail au fur et à mesure que la reconnaissance de commandes (remarquez, nous avons dépassé le stade de la reconnaissance vocale) va s’améliorer. Et il y en a besoin : nous ne sommes encore qu’au stade des demandes discrètes et élémentaires alors qu’il faudrait pouvoir tenir un vrai dialogue avec sa machine pour élargir l’utilité de ce moyen… mais ça va venir.

Du côté de la vision aussi, les choses sont amenées à évoluer. Aujourd’hui, nous nous contentons d’un écran qui est toujours plus grand quand nous voulons (rectification, avons besoin) du confort. Ceux qui doutent encore que l’ergonomie des applications dépend du “facteur de forme” de l’affichage (un élément crucial de l’ergonomie) n’ont jamais essayé de se servir durablement d’un écran de smartphone pour utiliser une vraie application !

Donc, l’avenir consiste à multiplier et à diversifier les moyens de visualisation pour ne pas rester tributaire d’un seul écran et de ses limitations (taille, poids, autonomie et contraste en plein jour). D’accord, mais comment ?

Nous avons déjà vu des masques de réalité virtuelle ou augmentée, mais tous souffrent des mêmes défauts : lourds, coûteux, peu pratiques et pas assez discrets pour être utilisés “largement”. Alors quoi ?

On peut imaginer des dispositifs projetant directement sur l’œil, mais, là aussi, la généralisation risque de tarder… Une piste vient des “head up display” (vision tête haute) déjà assez largement utilisés en aviation et qui ne demandent qu’une surface transparente pour afficher une image suffisamment lisible pour être utile. 

Un exemple des systèmes actuels de type “vision tête haute”, encore rudimentaire, mais ça commence toujours ainsi… 

Une autre tendance serait à ne pas supprimer les écrans, mais à multiplier les usages de ceux qui sont déjà autour de nous : le Chromecast permet de projeter sur l’écran de sa télé et c’est déjà un exemple simple dans cette direction. 

Autre évolution en douceur, mais nécessaire, les dispositifs de sécurité “confortables”. Le poste de travail doit être capable de vous reconnaître autrement qu’en imposant de saisir un mot de passe. Apparu d’abord sur les smartphones, les lecteurs d’empreintes digitales ou même la reconnaissance faciale via la caméra vont se généraliser avec, forcément, quelques ratés spectaculaires en chemin.

Les applications “multiexpérience”, pas pour demain !
Un élément factuel permet de réaliser que ces évolutions annoncées seront lentes et limitées : l’absence d’environnements de développement adaptés. Pour aller vers des applications “multisensoriels” et “multiexpériences”, il faut que les outils des développeurs permettent de les mettre en place. Et c’est là que le bât blesse. Quand on voit que la dimension multiplateforme est déjà faiblement traitée (pour ne pas dire plus !), on comprend bien que pour le multisensoriel, il faudra attendre, beaucoup.

Fractionnement, omniprésence et virtualisation
En résumé, notre poste de travail va continuer à être confronté à plusieurs tendances lourdes qui vont affecter non seulement sa nature, mais aussi notre manière d’y avoir recours.

Tout d’abord, le fractionnement va se poursuivre. Nous avons déjà le compagnon de poche (le smartphone) qui s’est fait une (grosse) place dans notre vie, mais il va être complété par des accessoires qu’on va vite trouver indispensables : montre, bracelet (voire bague comme Amazon l’a annoncé dernièrement, voir à https://www.generation-nt.com/amazon-alexa-lunettes-bague-echo-frames-loop-actualite-1968893.html) et lunettes, tout ce que nous portons régulièrement va être “étendue” par des capteurs communiquants très intégrés (et c’est ce qui a, jusqu’à présent, limité le succès des lunettes connectées… mais imaginez ce qui va être proposé une fois que l’intégration sera devenue véritablement transparente…) qui proposeront tous d’impacter vos données par différents moyens (le bon médium au bon moment en quelques sortes…).

Ensuite, l’omniprésence va encore s’accroître (ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle pour nos modes de vie déjà sursollicités). Cela va être favorisé par le déploiement de la 5G qui va nous offrir du haut débit partout, tout le temps. Le mode “off-line” va progressivement devenir une exception de plus en plus rare (il va nous arriver de le regretter d’ailleurs). J’évoquais déjà les conséquences de cette “informatique omniprésente” sur notre journée de travail dans une chronique en janvier 2019 (https://www.redsen.com/fr/inspired/tendances-decryptees/la-prochaine-grande-affaire-et-les-tendances-2019-2020).

Enfin, la virtualisation va continuer à “flouter” l’importance des plateformes. Au final, peu importe l’OS du client que nous allons utiliser pour accéder à nos données. Les programmes peuvent rester dépendants de tel ou tel OS, mais les données sont déjà indépendantes et stockées dans le cloud afin d’être accessibles en permanence.

Continuellement et lentement
Le poste de travail va tout de même continuer à muter, lentement, progressivement et il y a de bonnes chances que Microsoft (et Google, dans une moindre mesure) reste l’acteur dominant dans ce domaine, ne serait-ce qu’à cause de l’inertie naturelle qui affecte toutes les évolutions techniques. (au moins pour la décennie à venir).

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